Plantes carnivores

Les plantes carnivores ont une stratégie particulière pour satisfaire leur besoin en azote et autres nutriments. Vous devez prendre soin des plantes carnivores pour qu’elles croissent et se développent.

Alexander Buggisch Alexander Buggisch
18 janv, 2021 à 16h26
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Origine et mode de vie

Les plantes carnivores sont des plantes très spéciales. Le naturaliste Charles Darwin a été l'un des premiers scientifiques à s'intéresser à cet extraordinaire groupe de plantes dans son livre sur les plantes insectivores en 1876. Les plantes carnivores ont évolué pour se spécialiser dans les sols particulièrement pauvres en nutriments et les environnements hostiles, tels que les marécages et les tourbières. Comme toutes les plantes, elles dépendent toutefois de nutriments importants pour leur croissance, tels que l'azote, le phosphate et le potassium. Elles les ingèrent en attirant, capturant et "dévorant" des micro-organismes, tels que les insectes. Le naturaliste Darwin voyait en outre dans ce type d’adaptation écologique une preuve de sa théorie de l’évolution.

On trouve des plantes carnivores dans le monde entier. Elles ne sont pas seulement présentes dans des continents lointains, tels que l’Afrique, l’Australie ou l’ensemble du continent américain – mais on trouve aussi quelques plantes carnivores (lat. carnivorus, «mangeur de viande») indigènes. Sous nos latitudes vivent ainsi plusieurs espèces de rossolis (Drosera) et de grassettes, telles que Pinguicula vulgaris. Les deux genres affectionnent particulièrement les zones marécageuses humides, pauvres en nutriments. L’utriculaire commune (Utricularia vulgaris) est présente dans les eaux pauvres en nutriments. Quelques espèces peuvent être cultivées comme plantes d’intérieur.

Différentes espèces et stratégies de capture

On distingue essentiellement trois stratégies de capture des proies chez les plantes carnivores : Il existe des pièges pliants, tels que celui de la dionée attrape-mouche (Dionaea muscipula), des pièges collants comme celui du rossolis (Drosera) ou de la grassette (Pinguicula) et des pièges-trappes, comme celui des sarracénies (Sarracenia), de la plante cobra (Darlingtonia) et des népenthès (Nepenthes). Les plantes carnivores attirent leur proie de différentes manières: par une odeur intense, des couleurs vives ou des gouttes scintillantes d'une substance qui sent le nectar, mais qui est utilisée pour endormir la proie. Certaines plantes carnivores, par exemple quelques espèces de rossolis, transportent en outre leur proie jusqu’au lieu de la digestion avec leurs tentacules. Les utriculaires ont recours à une méthode de capture particulière: elles utilisent des pièges à succion pour attraper les petits crabes et les puces d'eau dans l'eau.

Dionée attrape-mouche

Il existe de nombreuses espèces différentes de plantes carnivores qui se distinguent surtout par la manière dont elles capturent les insectes et autres invertébrés. La représentante la plus connue, que l’on trouve aussi souvent dans les magasins de bricolage et jardineries, est la dionée attrape-mouche (Dionaea muscipula), qui appartient à la famille des droséracées (Droseraceae). Sa méthode de capture est vraiment spectaculaire car elle forme des feuilles-pièges, dont les bords sont hérissés de petites piques. L’intérieur de ces feuilles-pièges est rouge vif et sécrète un liquide qui attire surtout les insectes volants, tels que les syrphes ou les mouches domestiques. Sur la face inférieure de ces feuilles-pièges se trouvent en outre des petits poils sensibles qui, lorsqu’ils sont touchés par un insecte, libèrent le mécanisme de fermeture rapide de la feuille et permettent au piège de se refermer. Les deux moitiés de la feuille se ferment en quelques millisecondes et les poils sur le bord de la feuille s'emboîtent, de telle sorte que la proie capturée ne peut plus s’échapper.

Une fois le piège refermé, la dionée attrape-mouche vérifie à l’aide de procédés chimiques s’il vaut la peine de digérer ou non les proies mortes. Si la réponse est non, alors la feuille-piège s’ouvre à nouveau, la proie tombe par terre et la feuille-piège est de nouveau «armée». Si la réponse est oui, la plante scelle alors les bords de la feuille-piège et sécrète un suc digestif. Au bout de plusieurs jours, la proie est complètement décomposée et la feuille-piège s’ouvre à nouveau. Ce processus peut être répété jusqu’à cinq fois par feuille, avant qu’elle meurt.

Rossolis et grassette
Rossolis
Le rossolis attire et piège sa proie avec ses tentacules collants.

En Allemagne, il existe trois espèces de rossolis (Drosera): Drosera intermedia, Drosera rotundifolia et Drosera anglica. Toutes les espèces sauvages figurent sur la liste rouge et ne peuvent donc pas être prélevées dans la nature. Si le port des plantes et les pièges diffèrent selon les espèces en termes de forme et de taille, les méthodes de capture sont très similaires. Sur les feuilles du rossolis se trouvent des tentacules mobiles très rapprochés, aux extrémités desquels la plante sécrète un liquide-piège sucré et collant. Cette sécrétion attire les insectes et est tellement collante qu’ils ne peuvent plus bouger. Lorsqu’une proie est capturée, les tentacules qui se trouvent à proximité se plient par-dessus, renforçant ainsi la prise, et libèrent des enzymes digestives qui décomposent lentement la proie et extraient les nutriments qu'elle contient. Une fois la proie complètement digérée, les tentacules reprennent leur place initiale et le jeu recommence.

La grassette (Punguicula) capture sa proie d’une manière similaire à celle du rossolis. Elle ne possède toutefois pas de tentacules mais sécrète un liquide attractif collant à partir de glandes situées sur ses feuilles et les petits insectes, tels que les moustiques, restent alors collés. Ils sont ensuite décomposés sur place par les enzymes digestives et transformés en nutriments que la plante peut absorber.

Népenthès, plantes à urnes et sarracénies

Ces plantes carnivores portent des pièges qui présentent une forme d’urne, de godet ou d’outre. Dans la partie inférieure de ces pièges se trouve un cocktail de différentes enzymes digestives qui dissolvent la proie capturée. Cette dernière est attirée par l’odeur sucrée dégagée par ce cocktail. Lorsque les proies atteignent le bord du piège, très lisse grâce à un liquide spécial, elles ne peuvent plus se retenir et glissent à l'intérieur, se retrouvant donc dans le tube digestif de la plante, où elles sont décomposées. Ce groupe de plantes carnivores peut, avec des soins appropriés, former des pièges tubulaires pouvant atteindre un mètre de long et des urnes de plusieurs centimètres. Ces plantes sont donc aussi assez volumineuses et ont besoin d’un espace relativement important et de beaucoup d’attention. Parmi les espèces connues, on note:

  • les népenthès: Nepenthes ventricosa x inermis (forme hybride), N. truncata, N. rafflesiana
  • les plantes à urnes: Cephalotus follicularis
  • les sarracénies: Sarracenia purpurea, S. flava, S. psittacina
Népenthès
Les népenthès constituent un très bel accroche-regard et peuvent former des pièges de plusieurs centimètres.
Bien entretenir les plantes carnivores

Les plantes carnivores ne sont pas faciles à cultiver en tant que plantes d’intérieur et il est essentiel de connaître les exigences des différentes espèces. Les paramètres les plus importants en matière de conservation et de soins sont l'humidité, les besoins en nutriments, la lumière et la température.

Humidité

Les népenthès en particulier ont besoin d’une humidité élevée en permanence. Cela est dû à leurs habitats naturels (par exemple les forêts de nuages de haute altitude). Une humidité de l’air de 60 % constitue le minimum absolu et, selon l’espère, une humidité de 80 à 100 % peut même être nécessaire pour une culture réussie. Ceci n’est pas possible dans un pot ouvert, c’est pourquoi ces plantes sont généralement conservées dans des terrariums. La dionée attrape-mouche (Dionaea) et le rossolis (Drosera) peuvent accepter une humidité plus faible, sans toutefois descendre en dessous de 40 à 50 %. Ceci peut poser problème, surtout en hiver, car avec l’air de chauffage sec, l’humidité peut descendre à 20 % et moins.

Pour atteindre les valeurs requises, la culture en terrarium fermé est, comme nous l’avons déjà évoqué, une bonne option. Il faut toutefois tenir compte aussi des autres exigences des plantes et de leur taille future. Les roridulacées (Roridula) ne conviennent, par exemple, pas pour les terrariums car elles ont besoin d’un flux d’air, sous peine de mourir rapidement. Placez la plante en pot dans une cuvette remplie d'argile expansée pour augmenter l'humidité de l'air par évaporation. Une machine à brouillard, qui transforme l'eau en fine brume via des ultrasons, peut également s’avérer utile. Il vaut la peine de se procurer un hygromètre afin de surveiller de près l'humidité de l’air dans la pièce ou dans le terrarium fermé.

Hygromètre
Lorsque l’air de chauffage sec diminue l’humidité de l’air en hiver, cela peut poser problème aux plantes carnivores.

Besoin en nutriments

Les plantes carnivores ont besoin d’un substrat pauvre en nutriments et surtout pauvre en calcaire! Eau d’arrosage Évitez les engrais minéraux. Les plantes carnivores ne supportent généralement pas le terreau de plantation normal ni l’eau du robinet. Employez plutôt de la terre de bruyère ou – mieux encore – de la terre spéciale plantes carnivores, vendue dans des magasins spécialisés. Cette dernière se compose généralement d’un mélange exempt d’engrais à base de tourbe blanche et de sable sans calcaire. Pour l’arrosage, employez de l’eau du robinet non calcaire ou de l’eau de pluie. Dans le cas d’une plantation en terrarium, il est conseillé d’employer l’argile expansée comme drainage afin d’éviter l’humidité stagnante dans la zone couverte par les racines. Vous aurez peut-être un coup de cœur pour une plante qui requiert un substrat encore plus spécifique, mais la plupart des carnivores devraient pouvoir être cultivées avec succès avec ce substrat.

Emplacement et lumière

Si vous préférez cultiver des plantes carnivores sauvages plutôt que des formes hybrides spécialement élevées, le facteur lumière joue alors un rôle essentiel. La plupart des espèces citées ont besoin de beaucoup de lumière, d’où l’importance de les installer de préférence dans un endroit clair de votre maison. Certaines espèces n’aiment toutefois pas le soleil de midi direct. Une source de lumière électrique supplémentaire peut éventuellement être nécessaire. La raison de ce besoin élevé en lumière est l'habitat naturel des plantes, qui avec leurs conditions de vie hostiles ne tolèrent pas de végétation d'ombrage. Le facteur lumière est si important pour les plantes qu’il peut modifier complètement leur croissance. Si elles manquent de lumière, la plupart des plantes développent une plus grande surface foliaire et s’éclaircissent. Certaines cessent même de former leurs pièges lorsqu'elles manquent de lumière et produisent plutôt de longues pousses et feuilles pour accéder à la lumière dont elles ont besoin. Soyez donc attentif aux exigences de votre plante carnivore en matière de lumière et prenez au sérieux tout changement de couleur et de croissance.

Les espèces et leurs besoins en lumière:

  • Soleil et énormément de lumière: Drosophyllum et Roridula
  • Soleil et beaucoup de lumière: Sarracenia, Dionaea, Byblis et Heliamphora
  • Soleil et lumière du jour normale: Darlingtonia, Cephalotus et Drosera
  • Soleil modéré et lumière du jour normale: Népenthès des hauts plateaux, Genlisea, Aldrovanda, rossolis nain et quelques grassettes et utriculaires
  • Mi-ombre et lumière du jour normale: Népenthès des plaines, droséra Queensland et quelques espèces de grassettes

La plupart des carnivores apprécieront une fenêtre orientée sud avec beaucoup de lumière naturelle. Si vous cultivez des plantes qui ne connaissent pas de période de repos en hiver (comme les népenthès ou héliamphores), vous devez veiller à leur assurer un apport de lumière suffisant, surtout en hiver. Ce n’est guère possible de manière naturelle, une lumière artificielle est donc souvent nécessaire. Installez la source de lumière de manière à prolonger artificiellement la lumière du jour. Commencez à apporter de la lumière lorsque le soleil bas devient moins puissant. C’est généralement le cas l’après-midi à partir de 16 h. Prolongez la lumière du jour jusqu’à 19 ou 20 h. Toutes les lampes pour plantes avec lampes à vapeur de sodium haute pression ou lampes LED adaptées, disponibles en différentes puissances, conviennent généralement comme sources de lumière. Si vous adaptez la lampe aux besoins de vos protégées lors de l’achat, il ne devrait y avoir aucun problème d'alimentation en lumière.

Rossolis en fleurs
Si vous vous occupez bien de votre rossolis (Drosera), il vous récompensera avec de belles fleurs.
Le repos hivernal des plantes carnivores

Certaines carnivores, comme la dionée attrape-mouche, ont besoin d’une période de repos hivernal pendant laquelle elles peuvent se régénérer. Son quartier d’hiver doit toujours être clair, mais nettement plus frais, avec des températures oscillant entre quatre et dix degrés Celsius. Si vous ne possédez pas de serre ou endroit similaire, la plante carnivore peut hiverner dans une cage d’escalier non chauffée ou dans le grenier, juste en dessous de la lucarne. Veillez toutefois à ce qu’elle ne soit pas exposée à un courant d’air trop froid. Elle a également besoin de moins d’eau, il suffit de veiller à garder la motte des racines humide et d’éviter l’humidité stagnante. Dans l’idéal, prévoyez une couche drainante et/ou un substrat perméable ainsi qu’un pot avec trou d’évacuation. Vers la fin du printemps, vous pouvez réhabituer la plante à des températures plus chaudes et elle devrait rapidement donner beaucoup de nouvelles fleurs.

Nourrir les plantes carnivores?

L'alimentation active n'est pas nécessaire avec les plantes carnivores - vous ne devez pas acheter un terrarium pour animaux de compagnie. Des insectes volants appropriés, tels que les mouches des fruits ou mouches des terreaux vivent dans la maison et finissent par tomber dans le piège. Ce type de terrarium peut toutefois s’avérer utile, par exemple pour observer l’efficacité du piège en direct. L’important est de ne pas en faire trop. Les plantes se contentent généralement d’un minimum de nourriture animale. Les dionées attrape-mouches ne peuvent, par exemple, ouvrir et fermer une feuille-piège que cinq fois maximum avant de mourir. Dans le cas des plus grosses proies, il peut même arriver qu’elle meure pendant ou directement après la première décomposition.